LA SEMEUSE
Figure archétypale, la semeuse cristallise un ensemble de tensions symboliques : elle incarne simultanément la liberté et l’espérance, la fécondité et le combat. À la fois apaisée et guerrière, elle incarne un rapport charnel à la terre, s’inscrivant dans l’espace agricole du champ, territoire historiquement associé à l’effort, à la pénibilité et au masculin. La rareté de l’usage du terme jardinière pour désigner une figure humaine, cantonné à l’objet ou au contenant décoratif, témoigne de cette hiérarchisation symbolique des rapports entre genre, travail et nature.
Dans cette installation composée de douze images, Diane Hymans confronte des archives issues des prémices du culturisme féminin des années 1980, telles celles de Kay Baxter, figure emblématique de cette période, à des photographies de végétaux saisis sous la lumière crue du studio. Ce rapprochement ne relève pas de l’analogie décorative, mais d’une stratégie critique visant à interroger les modalités de construction des corps, qu’ils soient humains ou végétaux. En s’attachant au caractère offensif des postures et à l’affirmation musculaire des modèles, l’artiste déconstruit l’imaginaire dominant qui associe la féminité à la fragilité, à l’ornement ou à la passivité florale.
Les textes intégrés à l’installation, extraits de campagnes publicitaires pour des engrais et des semences, prolongent cette réflexion. En mobilisant un vocabulaire normatif et performatif promesse de beauté, de vigueur et de rendement ils révèlent une injonction esthétique et productive qui traverse indistinctement les corps féminins et les organismes végétaux.
Vue d’exposition, 100% L’expo, La Villette, Paris, 2023